30 octobre 2012

Les sociétés secrètes étudiantes

La sociologue Stéphanie Grousset-Charrière présente un sujet novateur sous le titre La face cachée de Harvard, la socialisation de l’élite dans les sociétés secrètes étudiantes.

Une étude fascinante!

L’introduction présente le phénomène des clubs à l’Université Harvard, la méthode qualitative retenue pour l’analyse de ces sociétés secrètes et le plan de l’ouvrage.

Le premier chapitre constitue une monographie sur les sociétés secrètes à Harvard. Les chapitres suivants sont consacrés aux trois facettes du processus de socialisation dans les clubs : l’acquisition de l’élitisme, le maniement du secret et l’apprentissage du pouvoir. Le dernier chapitre explique comment ces sociétés secrètes mènent leurs membres au seuil du pouvoir de la société étasunienne.

Dans sa conclusion, l’auteure présente une synthèse de ses recherches sur les sociétés secrètes étudiantes et en résume ainsi l’aboutissement :

« En étudiant leur mode de fonctionnement, leur processus et leurs critères de sélection ainsi que leurs pratiques, nous avons mis en exergue la socialisation élitiste, secrète et dominatrice qu’opèrent ces communautés. »

Le livre est complété par une bibliographie et des annexes.

Référence

Grousset-Charrière, Stéphanie. – La face cachée de Harvard. La socialisation de l’élite dans les sociétés secrète étudiantes. – Avant-propos de Daniel Filâtre, professeur de sociologie, Université de Toulouse. – Préface d’Ezra Suleiman, professeur de sciences politiques, Université Princeton. – Paris : La Documentation française, 2012. – 230p. – (Études & recherche). – ISBN 978-2-11-008857-4. – Cote BAnQ : 305.520973 G8829f 2012.

Sur la Toile

Harvard University

Article connexe

Le naufrage de l’université

26 octobre 2012

L’illusion Obama

Dans un recueil d’articles, dont plusieurs ont été publiés dans Le Devoir, le journaliste américain John R. MacArthur trace un portrait au vitriol du président de la République des États-Unis d’Amérique.

À titre d’exemple, quelques citations :

Obama joue un double jeu. (p. 24)

On ne peut pas dire crûment que Barack Obama est un menteur. […] Néanmoins, on peut dire sans se tromper que le président ment globalement, et ce, à un niveau considérable. […] J’offre ici un bilan partiel, auquel on pourrait facilement ajouter des exemples. (p. 54)

Obama a démarré comme centriste, et depuis, il s’est contenté de se rapprocher de la droite. (p. 92)

Mais le double jeu d’Obama est plus pervers, plus malhonnête que celui de son grand prédécesseur [F. D. Roosevelt], le vrai fondateur de la démocratie sociale aux États-Unis. (p. 96)

Avec Hillary [Clinton] à la tête de la diplomatie, on dirait qu’Obama se moque carrément de la gauche antiguerre. (p.112)

Chaque jour qui passe montre de manière éclatante que le « système » politique et le Parti font marcher Barack Obama et non le contraire. (p. 204)

MacArthur énonce aussi plusieurs réflexions cinglantes sur le système politique américain :

Dans le pays juridiquement le plus libre de la planète, nous avons les médias et les politiciens les plus conformistes du monde! (p. 84-85)

Les deux partis politiques et leurs barons sont toujours fermement ancrés dans le pouvoir, jouissant des ressources de l’argent électoral qui semble infini. (p.87-88)

Peut-on prétendre sérieusement qu’Internet a ouvert la voie à un renouveau démocratique en Amérique – un pays affligé d’une oligarchie bipartite, d’un taux de réélection de l’ordre de 90% et d’un personnel politique spécialisé dans le blanchiment d’argent? (p. 190)

Les étrangers feraient bien de se protéger des conséquences de leurs illusions perdues. (p. 211)

Le recueil compte trois parties : Politique, International et Culture. Précédé d’un mot des éditeurs et d’une préface à l’édition québécoise, il est complété par une longue postface. Les articles se lisent rapidement.

Après la lecture de cette anthologie, on ne voit certes plus Barack Obama comme un réformateur et un pacifiste, mais ses adversaires sont-ils différents?

Quoi qu’il en soit, cet ouvrage est un livre-choc sur la ploutocratie américaine, sur Le pouvoir de l’argent aux États-Unis.

Référence

MacArthur, John R. – L’illusion Obama. Le pouvoir de l’argent aux États-Unis. – Montréal : Lux, 2012. – 215p. – (Lettres libres). – ISBN 978-2-89596-140-6. – Bibliothèques de Montréal (Frontenac) : nouveauté.

Livre recommandé par Gabriel Nadeau-Dubois, ancien du mouvement étudiant, militant progressiste et étudiant en Histoire, culture et société à l'UQÀM, le 15 octobre 2012 :

- GND : "L'illusion Obama", livre-choc à lire chez Lux Éditeur.
- Abonné : Tu es devenu critique littéraire?
- GND : Non. Je suggère un livre que j'ai apprécié.

Sur la Toile

John R. Macarthur, le « désillusionniste » d'Obama (Entrevue avec Catherine Perrin, Radio-Canada, Médium large, 4 octobre 2012, 18:47 min)
L’illusion Obama (Conférence de John R. Macarthur, 4 octobre 2012) (Andrea Levy et André Frappier, Presse-toi à gauche !, 9 octobre 2012)
MacArthur démasque Obama (Michel Lapierre, Le Devoir, 13 octobre 2012)

22 octobre 2012

L’interpellation plébéienne

Une table ronde sur la grève étudiante de 2012 s’est déroulée à la Grande Bibliothèque, le 19 octobre 2012. Elle visait à présenter le Printemps québécois selon une théorie initiée par Martin Breaugh, dans L’expérience plébéienne, et renouvelée par des membres du Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine (UQÀM).

En vue de me préparer à mieux comprendre les enjeux visés par cette rencontre, j’ai lu auparavant des extraits des ouvrages cités en référence :

- la préface et la première partie Qu’est-ce que la plèbe?, dans le livre de Breaugh;

- l’avant-propos d’André Corten, les trois introductions de Ricardo Peñafiel, André Corten et Catherine Huart, les Notes pour l’étude de l’Andahuaylazo d’Edouardo Malpica Ramos et la postface Saisir la brèche de Martin Breaugh, dans L'interpellation plébéienne en Amérique latine.

Au cours de cette rencontre, j’ai aimé les témoignages captivants de Mathieu Cousineau DeGarie sur la grève étudiante de 2005, de Gabriel Nadeau-Dubois sur son rôle de porte-parole et de Renaud Poirier Saint-Pierre sur son rôle d’attaché de presse au cours du Printemps québécois.

Un autre exemple de réflexions sur un événement majeur et singulier de notre histoire.

Contexte

J’ai emprunté ces livres après avoir lu ce billet sur le microblogue de Gabriel Nadeau-Dubois et le programme du Séminaire international GRIPAL 2012 indiqué en référence :

BILLET (18 octobre 2012)

Gabriel NadeauDubois‏@GNadeauDubois
Vendredi pm, débat théorique autour de la #ggi organisé par le GRIPAL. J'y participerai avec @CyrMarc et @RenaudSTP http://www.gripal.ca/

PROGRAMME (extrait)

15h30 à 18h30 : Des horizons d’analyse pour le Printemps québécois

La sensibilité des membres du GRIPAL pour le travail théorique capable de renouveler les analyses politiques – notamment des soulèvements populaires – rend impossible de ne pas tourner le regard vers le Québec de ce printemps. Pour contribuer à la réflexion commune, nous proposons de revoir les événements entourant la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité à la lumière de notre conceptualisation de ce qu’est une « interpellation plébéienne ».

Au Québec en 2012, pendant quelque temps, on eut l’impression que les intérêts corporatistes cédaient le pas à une large mobilisation montrant que l’ordre établi fait des laissés pour compte, des sans-parts, des voix qu’on n’écoute pas. Dans une certaine mesure, cette large mobilisation renvoie à l’image centrale de notre théorisation : dans la Rome Antique, à plusieurs reprises, la plèbe se retire entière sur le Mont Aventin et met le Sénat devant les limites de l’ordre qu’il représente. Elle exprime son ras-le-bol et vit par le fait même un moment de subjectivation politique. La mobilisation sociale du printemps québécois fut-elle une interpellation plébéienne? Qu’apprend-on en la revisitant sous cet angle? Voilà ce qu’on demande à nos invités.

Gabriel Nadeau-Dubois, étudiant au programme Histoire, culture et société et co-porte-parole de la CLASSE pendant la grève 2012;

Renaud Poirier Saint-Pierre, étudiant à la maîtrise en science politique et attaché de presse pour la CLASSE pendant la grève 2012;

Mathieu Cousineau DeGarie, étudiant à la maîtrise en droit et co-porte-parole de la CASSÉE pendant la grève 2005;

Marc-André Cyr, chargé de cours en science politique et chroniqueur au journal Voir;

René Delvaux, étudiant à la maîtrise en science politique et membre du GRIPAL.

Débat ouvert animé par Catherine Huart, étudiante au doctorat en sociologie, membre du GRIPAL, co-directrice de L’Interpellation plébéienne en Amérique latine : Violence, actions directes et virage à gauche.

Références

Breaugh, Martin. – L’expérience plébéienne. Une histoire discontinue de la liberté politique. – Paris : Payot & Rivages, 2007. – 405p. – (Critique de la politique Payot). – ISBN 978-2-228-90260-1. – Cote BAnQ : 320 B8288e 2007.

Corten, André; Huart, Catherine; Peñafiel, Ricardo; dir. – L'interpellation plébéienne en Amérique latine. Violence, actions directes et virage à gauche. – Québec : PUQ, 2012. – 326p. – ISBN 978-2-7605-3251-9. – Cote BAnQ : 980.038 I61925 2012.

Sur la Toile

Gabriel Nadeau-Dubois (Microblogue)
La dignité contre l'État (Récit d’une lutte étudiante au Québec) (Marc-André Cyr, Variations, juillet 2012)
GRIPAL (Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine)
L'interpellation plébéienne en Amérique latine (André Corten, Catherine Huart et Ricardo Peñafiel) (PUQ)
L'interpellation plébéienne en Amérique latine (extrait) (Entrepôt de livres numériques)
L’interpellation plébéienne en Amérique latine (Christophe Wargny, Le Monde diplomatique, août 2012)

Article connexe

Le printemps des carrés rouges

18 octobre 2012

Le printemps des carrés rouges

Une analyse factuelle et captivante publiée par André Frappier, Richard Poulin et Bernard Rioux, dans la collection Mobilisations, chez M éditeur.

L’introduction souligne le caractère historique du Printemps québécois :

Déclenchée au début de février 2012, la grève a mobilisé jusqu’à 300 000 étudiantEs sur les campus. Elle a été marquée par d’innombrables actions d’éclat et de solidarité, par l’érection de piquets de grève, par des concerts de casseroles et par des centaines de manifestations dans différentes villes, dont certaines, à Montréal, ont mobilisé 200 000 personnes et plus.

Les quatre premiers chapitres présentent le contexte dans lequel se sont déroulées la grève étudiante et la crise sociale de 2012 :

1° - le mouvement altermondialiste à partir de 1999, la crise économique mondiale qui a débuté en 2007-2008, les révoltes des peuples arabes en 2011, la résistance des peuples européens à l’offensive d’austérité en 2011-2012, le mouvement des indignés à l’automne 2011, les luttes étudiantes dans plusieurs pays latino-américains en 2011-2012;

2° - les politiques néolibérales du gouvernement fédéral (depuis le milieu des années 1980); l’offensive néolibérale sous les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry (1994-2003) et sous le gouvernement libéral de Jean Charest (2003-2012);

3° - les réformes de l’éducation préconisées par les organismes internationaux (OCDE, BM, OMC); la hausse des droits de scolarité au Québec et la conception néolibérale de l’éducation partagée par le PQ, le PLQ et la CAQ;

4° - les occasions manquées : les manifestations sans lendemain de grèves ponctuelles en 2003; la loi spéciale de 2004 mettant fin aux négociations dans les secteurs public et parapublic; la grève des étudiants et des enseignants de 2005; les manifestations et la négociation de 2010 dans les secteurs public et parapublic; l’aide matérielle des syndicats au mouvement étudiant en 2012, mais aussi leur opposition à la grève sociale.

Les quatre chapitres suivants portent spécifiquement sur le mouvement étudiant, la grève étudiante et la crise sociale du Printemps québécois :

5° - les forces en présence : un gouvernement libéral discrédité face aux revendications des quatre organisations étudiantes solidaires (FEUQ, CLASSE, FECQ, TACEQ);

6° - les péripéties des négociations et des affrontements; les manifestations étudiantes et populaires d’une régularité et d’une ampleur sans précédent; le rôle clé joué par la CLASSE dans la mobilisation étudiante et la solidarité de la FEUQ envers la CLASSE;

7° - la judiciarisation du conflit par les injonctions accordées à des étudiants dissidents; la répression policière : plusieurs blessés graves et des milliers d’arrestations; le vote et le contenu de la loi 12 (projet de loi 78);

8° - la polarisation politique et sociale : le PLQ et la CAQ sur la même longueur d’onde, l’attitude ambigüe du PQ, l’appui de QS et de l’ON à la cause étudiante; des chroniqueurs des médias de masse, possédés à 97,2 % par Power Corporation et Quebecor, dénigrent le mouvement étudiant; l’ambivalence des sondages; la corruption et les élections; la lutte de classes et les appuis étrangers à la cause étudiante.

Dans le dernier chapitre, les auteurs abordent l’exemplarité de la lutte étudiante animée principalement par la CLASSE, la remise en question de la stratégie de concertation sociale et la perspective d’une grève sociale.

Les notes explicatives et bibliographiques sont insérées en bas de page. Figure de proue du Printemps québécois, Gabriel Nadeau-Dubois est abondamment cité.

Cet essai enrichit d’une façon magistrale le corpus exhaustif dédié aux carrés rouges.

Référence

Frappier, André; Poulin, Richard; Rioux, Bernard. – Le printemps des carrés rouges. Lutte étudiante, crise sociale, loi liberticide, démocratie de la rue. – Montréal : M éditeur, 2012. – 159p – (Mobilisations). – ISBN 978-2-923986-57-0. – Cote BAnQ : 371.81 F838p 2012. – [Citation, p. 7].

Le livre a été complété le 27 août 2012, soit quelques jours avant l’élection nationale du 4 septembre 2012 qui a provoqué la chute du gouvernement libéral et l’avènement d’un gouvernement péquiste minoritaire.

Lecture complémentaire

« The Québec Student Strike. A Special Issue ». – Canadian Dimension (Vol 46, n° 5, septembre- octobre 2012). – ISSN 0008-3402. – P. 3-4, 19-39. – Le Manifeste de la CLASSE est reproduit aux pages 28-29, 32-33. – Auteurs des articles de ce dossier : Andrea Lévy et Danny Theurillat-Cloutier, Éric Martin et Simon Tremblay-Pépin, Sabine Friesinger, Martin Robert, André Frappier et Bernard Rioux, Jonathan Leblanc. – [Revue disponible à la Grande Bibliothèque, niveau 2].

Sur la Toile

Comprendre le mouvement étudiant (Camille Laurin-Desjardins, Métro, 9 octobre 2012)
«Le printemps des carrés rouges» un livre sur la crise étudiante (Vidéo, V, 9 octobre 2012)
Lancement du livre “Le printemps des carrés rouges” (André Frappier, Presse-toi à gauche !, 16 octobre 2012) – [Allocutions de Martine Desjardins et de Gabriel Nadeau-Dubois]

Article connexe

Gabriel Nadeau-Dubois (2009-2012) (Recueil de textes et de vidéos de Gabriel Nadeau-Dubois)

14 octobre 2012

Le propre et le sale

Georges Vigarello présente une histoire intéressante de l’hygiène du corps depuis le Moyen Âge jusqu’au début du 20e siècle. Les nombreuses notes sont regroupées en fin d’ouvrage, mais le livre ne contient pas de bibliographie.

Partie 1

Son ouvrage commence par une série de témoignages révélant les craintes des gens face à la porosité de la peau dans le contexte moyenâgeux des pandémies de la peste. Ensuite, les pratiques du bain privé et du bain public disparaissent aux 16e et 17e siècles.

Partie 2

Les vermines dont sont affublées les personnes, surtout les enfants, sont attribuées aux humeurs internes du corps. Pour les neutraliser, on accorde une grande importance à l’alimentation et au changement des vêtements apparents. La blancheur de la chemise tient lieu graduellement de propreté. Celle-ci s’identifie finalement aux apparences.

Partie 3

Au 18e siècle, la pratique du bain privé commence chez une partie de l’aristocratie, mais sans lien avec l’hygiène. Le bidet et le cabinet de toilette, signes de richesse, font leur apparition. Le bain froid gagne en popularité au nom de la santé.

À la fin du siècle, les préoccupations sanitaires portent sur l’air infesté des cimetières, prisons, hôpitaux et abattoirs. L’arrosage des rues est alors préconisé pour éliminer les odeurs nauséabondes, causes de maladie et de mortalité. Les bains publics s’installent lentement et les ablutions partielles commencent à se répandre.

Partie 4

Au début du 19e siècle, l’hygiène devient une branche spécifique de la médecine. Ce nouveau statut se manifeste par l’apparition de nouvelles institutions publiques, l’intervention de médecins dans la politique de salubrité urbaine, la valorisation de l’eau tiède et du savon. Par contre, la pudeur fait encore obstacle à la pratique du bain tout au long du siècle.

Les ingénieurs entrent en action avec la mise en place graduelle des infrastructures sanitaires d’aqueduc et d’égout. La vague de choléra popularise le bain, surtout dans les établissements de luxe et les quartiers riches de Paris. Les moins nantis prennent leur bain dans la rivière.

Au milieu du siècle, les élites favorisent la propreté chez les pauvres urbains en vue de maintenir l’ordre social. Cette préoccupation morale est renforcée dans le contexte d’une nouvelle poussée de choléra.

À la fin du siècle, suite aux travaux de Pasteur, le lavage vise désormais l’élimination des microbes. Chez les riches, les innovations techniques vont favoriser la toilette intime sans l’aide de domestique. Par contre, la douche cellulaire est réservée aux militaires, malades hospitalisés, prisonniers et aux pauvres.

Conclusion

L’auteur récapitule les grands jalons de l’histoire de la propreté en Occident selon les différentes classes sociales :

Ce que montre une histoire de la propreté corporelle, c’est la variété, dans le temps, des usages, ou même des imaginaires de l’eau, et la distance séparant les représentations archaïques de celles d’aujourd’hui.

Appréciation

Une histoire quantitative d’une lecture agréable, bien que les répétitions soient nombreuses. L’absence d’une bibliographie sélective est étonnante.

Club de lecture

Ce livre est au programme du Club de lecture (section histoire) des Amis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (ABAnQ).

Référence

Vigarello, Georges. – Le propre et le sale. L’hygiène du corps depuis le Moyen Âge. – Paris : Seuil, 1998 © 1985. – 287p. – ISBN 2978-2-0200-9452-8. – Bibliothèque de Montréal (Saint-Laurent) : 391.64 V672p 1998. – [Citation, p. 242].

Sur la Toile

Le bain (Musée historique environnement urbain)

Par ordre chronologique :

Le propre et le sale (Yannick Ripa, Histoire de l’éducation, 1986)
Le propre et le sale (Suzanne Mollo-Bouvier, Revue française de pédagogie, 1988)
Le propre et le sale (Dissertations et mémoires)
Le propre et le sale (Entrevues de Serge Bouchard avec Georges Vigarello, Jean Provencher et Frédéric Benjamin Laugrand) (Radio-Canada, Les chemins de travers, 2012)

10 octobre 2012

Loco Locass | La parole en gage

Le groupe québécois est formé des célèbres rappeurs Batlam (Sébastien Ricard), Biz (Sébastien Fréchette) et Chafiik (Mathieu Farhoud-Dionne).

Dans un livre d’une centaine de pages, Marie-Claude Tremblay présente une analyse textuelle des œuvres de Loco Locass produites avant Le Québec est mort, vive le Québec!

L’ouvrage propose des clés d’interprétation pour mieux comprendre les chansons du trio et mieux apprécier leur richesse poétique.

Précédée d’une introduction, l’étude est déclinée en trois chapitres : Les lieux de l’engagement, L’actualisation de l’engagement, La communication artistes-public : une portée engageante. Cette étude est suivie d’une conclusion et d’une bibliographie.

L’introduction présente le triple but de l’ouvrage :

1° l’examen des thèmes identifiant les différents lieux de l’engagement du trio;

2° les signes du discours et les procédés formels qui participent à la formation du sens;

3° les procédés rhétoriques qui constituent des appels au public.

Volet 1 – Thèmes

Les principales préoccupations des rappeurs portent sur la défense de la langue française et la souveraineté du Québec.

Le thème de la langue française est abordé sous deux aspects :

- la langue comme outil de communication (Langage-toi, Malamalangue);

- la langue comme mode d’expression artistique (La survenante, Art poétik, Priapée la p’tite vite, Manifestif).

L’autre thème majeur porte sur l’indépendance du Québec (Sheila, ch’us là, Vulgus vs Sanctus, Art Politik, Résistance, Engouement, Roc rap). Ce thème est exploité en lien direct avec la défense de la langue française et l’ouverture aux autres peuples (Art Politik, Engouement, Sheila, ch’us là, Maison et Idéal).

Les thèmes complémentaires, souvent concomitants aux thèmes principaux, sont multiples :

- l’actualité politique par des critiques du capitalisme américain (L’empire du pire en pire, W Roi) et des partis politiques québécois (Vulgus vs Sanctus, Libérez-nous des libéraux, Super Mario);

- l’idéal de la création artistique (Potsotjob, Maison et Idéal), en opposition aux stéréotypes (Manifestif, I represent rien pantoute) et aux médias (Médiatribes);

- des points de vue sur certains problèmes contemporains tels le suicide (M’accrocher?), les relations entre les autochtones et les blancs (La paix des braves), les motards (Antigone), le droit d’auteur (Petit rap anti-rapt), la drogue (Bonzaîon), les conflits intergénérationnels (Boom baby boom), les émeutes de la Saint-Jean (La casse du 24), le désintérêt envers notre histoire nationale (La censure pour l’échafaud);

- le lyrisme exprimant des domaines plus intimes, comme l’amour (Isabeille et Biz) et l’angoisse (Spleen et Montréal).

Tout en poursuivant une tradition séculaire d’engagement politique chez les chanteurs québécois, Loco Locass renouvelle les thématiques de cette pérennité par leur regard novateur sur notre société actuelle.

Volet 2 – Actualisation de l’engagement

L’intertextualité et l’interphonographie, ainsi que la voix et la musique, sont utilisées par Loco Locass pour actualiser leur engagement envers la nation québécoise.

A) Courtepointe musicale et textuelle

Le trio actualise le discours nationaliste par l’inclusion de citations et d’échantillons dans presque toutes leurs chansons.

Des exemples d’interphonographie (échantillons) :

- Langage-toi (L’argent ou le bonheur, Yvon Deschamps)
- Malamalangue (Speak white, Michèle Lalonde)
- Art poétik (Nataq, Richard Desjardins)
- I represent rien pantoute (Compagnons des Amériques, Gaston Miron)
- Vulgus vs Sanctus (Le Confort et l’indifférence, Denys Arcand)

Des exemples d’intertextualité (citations) :

- références de diverses natures : onomastique (Sheila ch’us là), télévisuelle (Sheila ch’us là), musicale (Potsotjob), dramatique (Boom baby boom), picturale (Priapée la p’tite vite);

- types de recours variés : allusion, citation, mention, métaphore, etc. (Art poétick, Malamalangue).

B) Voix américanisée

La voix de Loco Locass se caractérise par sa polyphonie en harmonisant l’héritage québécois d’origine française et la modernité limitrophe américaine, notamment par le choix du rap comme expression musicale.

Cette polyphonie se manifeste également par des voix ajoutées (Sheila ch’us là, Langage-toi, Spleen et Montréal, Engouement, Isabeille et Biz, Maison et Idéal, La paix des braves).

Les registres langagiers sont aussi mélangés, le parler populaire québécois (Engouement, Manifestif) côtoyant le parler soutenu français. Le trio recourt aussi à de vieilles expressions entremêlées d’expressions contemporaines.

Les textes peuvent être chantés par une, deux ou trois voix, selon le caractère intimiste (préoccupation personnelle de l’auteur) ou collectif (langue et souveraineté) propre à chaque chanson (albums Manifestif et Amour oral).

Somme toute, la polyphonie pratiquée par Loco Locass renforce le sentiment nationaliste en le renouvelant.

Volet 3 – Communication artistes-public

La démarche de Loco Locass est engageante, car elle suscite la participation de son auditoire à l’action par des appels explicites et implicites.

Les énonciateurs des textes s’expriment à la première personne, je ou nous, tandis que les récepteurs des chansons sont identifiés par le pronom tu (individuel ou collectif).

Marie-Claude Tremblay illustre cette dimension participative / communicative dans son analyse détaillée de L’assaut, Langage-toi, Manifestif et Engouement, ces quatre chansons s’adressant directement au public.

D’une façon explicite, différents moyens énonciatifs sont employés pour inciter les destinataires à l’action : injonction (fais), identification (mon frère, camarades), exhortation (prière), intonation (arrangements musicaux et démultiplication des voix des rappeurs).

Par ailleurs, les auditeurs engagés sont appelés à interpréter les appels implicites. L’intertextualité, l’interphonographie, les jeux langagiers et les métadiscours employés par Loco Locass requièrent la compétence de ces auditeurs dans l’interprétation des chansons.

En plus d’être récepteurs, ces auditeurs engagés sont en quelque sorte des coauteurs des textes. Leurs compétences encyclopédiques, linguistiques et socioculturelles leur permettent de saisir le sens des chansons, les renvois historiques et artistiques, les connotations des expressions et les termes soutenus ou spécialisés (sémantique, didactique, synapse, clepsydre) utilisés par le trio.

C’est lors de spectacles que la communication artistes-public prend sa forme la plus manifeste, le je se transformant en nous (chant collectif, danse spontanée, gestuelle partagée). L’adhésion du public au discours du trio y trouve alors sa manifestation la plus complète. À cet égard, la prestation de l’hymne Libérez-nous des libéraux est exemplaire…

Dans la conclusion de son ouvrage, Marie-Claude Tremblay récapitule l’essentiel de son analyse magistrale. J’ai particulièrement aimé cette réflexion liminaire :

L’œuvre de Loco Locass est dense, foisonnante, et renferme de multiples sens que l’auditeur est appelé à découvrir. En somme, elle nous demande, public, de la faire vivre.

La bibliographie recense le corpus étudié et plusieurs références citées en cours d’ouvrage. Signalons que la longue entrevue de Christopher Jones avec Loco Locass est aussi accessible sur la Toile.

Appréciation

L’ouvrage de Marie-Claude Tremblay est assurément un guide pédagogique, un outil didactique, permettant d’explorer, de découvrir et d’apprécier toute la richesse de l’œuvre de Loco Locass. C’est sous cette optique qu’il m’est apparu le plus instructif, le plus utile.

Un livre captivant sur un trésor inestimable!

Référence

Tremblay, Marie-Claude. – Loco Locass : la parole en gage : l’engagement dans les rapoèmes et le rôle que l’auditeur est amené à y jouer. – Montréal : Triptyque, 2011. – 101p. – ISBN 978-2-89031-725-3. – Cote BAnQ : 789.4900922 L819t 2011. – [Citation, p. 93].

Ressources complémentaires

Loco Locass, un groupe engageant ? (Marie-Claude Tremblay, 2009)

Un interview avec Loco Locass (Christopher Jones, 2006)

Nos sillons d'engagement (La question de l'engagement dans les chansons de Loco Locass) (Dany St-Laurent, Mémoire, UQAM, 2007)

Article connexe

Libérez-nous des libéraux

06 octobre 2012

Anima | Wajdi Mouawad

Les humains sont seuls.

Le monde est vaste, mais les humains s’entêtent à aller là où leur âme se déchire.

Que faire des fragments éclatés de son histoire?

Révélation brûlante de l’irréversible événement du temps. Ce qui est advenu qui pourrait faire que ce ne soit pas produit?

Il y a des êtres qui nous touchent plus que d’autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.

Le roman débute par une scène dramatique, une scène de crime. Léonie assassinée. Wahhch Debch terrassé.

Plusieurs chapitres sont sanguinaires, à la limite du supportable. Par contre, bon nombre de passages sont sublimes. Le rythme est soutenu. Le style d’écriture est captivant.

Les narrateurs sont multiples. Successivement, des animaux racontent les nombreuses péripéties surgissant dans ce roman étonnant. Leurs points de vue diversifiés sur les personnages et les actions sont fascinants.

Quête identitaire traversée par des fragments d’histoire québécoise, amérindienne, étatsunienne, française et orientale…

Une notice de l’auteur suit l’œuvre romanesque.

Quelle œuvre saisissante!

Référence

Mouawad.Wajdi. – Anima. – Montréal : Léméac, 2012. – 397p. – ISBN 978-2-7609-0829-1. – Cote BAnQ : Mouawad M924a. – [Citations, p. 102, 124, 325, 295, 376]. – [Extrait].

Sur la Toile

Anima (Wajdi Mouawad, YouTube, 17 08 2012) [L’auteur raconte la genèse de son roman]
Wajdi Mouawad (Site de l’auteur)

Critiques par ordre chronologique :

Témoins d'un crime, des animaux prennent la parole (Baptiste Liger, L’Express, 27 08 2012)
Anima de Wajdi Mouawad (Pierre Darracq, Sans connivence, 28 08 2012)
La généalogie de la violence selon Wajdi Mouawad (Georgia Makhlouf, L’Orient Le Jour, 09 09 2012)
Wajdi Mouawad ou le maître de l'insoutenable (Sarah Lévesque, Nightlife.ca, 20 09 2012)
Une traversée de mondes meurtris (Sylvie St-Jacques, La Presse, 21 09 2012)
Bienvenue dans l'enfer du monde (Michel Bélair, Le Devoir, 22 09 2012) [Critique la plus approfondie]
Règne animal (Tristan Malavoy-Racine, Voir, 27 09 2012)

02 octobre 2012

Amérique latine

La Documentation française publie un annuaire actualisé sur l’Amérique latine. Préfacées par Georges Couffignal, les études contenues dans l’ouvrage sont regroupées en deux parties :

- tendances politiques de fond et récents résultats électoraux (diversité des dirigeants de gauche, péronisme national populaire des Kirchner, Pérou de Garcia à Humala, Amérique centrale);

- mutations de l’État et de la justice, formation des élites et foisonnement littéraire (retour de l’État, justice, formation des élites scientifiques, littérature hispano-américaine contemporaine).

Des fiches pays complètent l’ouvrage : d’abord un sommaire général, puis des renseignements sur chaque pays (fiche signalétique, portrait de la situation actuelle, tableau statistique – données politiques, économiques, sociales et démographiques, et sur les communications).

Un livre de référence remarquable.

Référence

Couffignal, Georges, dir. – Amérique latine. Une Amérique latine toujours étonnante. Édition 2012. – Paris : La Documentation française, 2012. – 208p. – (Mondes émergents). – ISBN 978-2-11-008814-7. – Cote BAnQ : 330.98 A51298 2012.