25 avril 2013

Les milliardaires

Parmi les causes des crises économiques, Linda McQuaig et Neil Brooks démontrent comment l’inégalité extrême explique l’effondrement des marchés boursiers en 1929 et 2008.

La dérèglementation des banques et les baisses d’impôt sous les présidents Taft (1909-1913) et Reagan (1981-1989) ont favorisé l’émergence de fortunes colossales. Les sommes astronomiques disponibles ont dès lors servi à la spéculation incontrôlée plutôt qu’à l’investissement judicieux dans l’économie réelle.

Les auteurs développent leur thèse d’une façon claire et magistrale. Ils abordent notamment les aspects suivants :

- le retour des ploutocrates au cours des dernières décennies : 24% du revenu national des États-Unis d’Amérique échoit au 1% des Américains les plus riches, comme dans les années 1920; les revenus moyens des PDG et des travailleurs passent de 30 pour 1 en 1970 à 340 pour 1 en 2007; chez les 100 PDG les mieux rémunérés, ce ratio passe de 54 pour 1 en 1970 à 1 723 pour 1 en 2006; les cas de quelques milliardaires sont décrits, dont ceux de John Paulson, Lloyd Blankfein, Michael Caine, Lloyd Webber et Leo J. Hindery Jr.;

- l’interventionnisme de l’État crée le marché par un ensemble complexe de lois, dont celles portant sur le droit de propriété, le droit d’auteur, les brevets et le système fiscal; ces législations sont plus favorables aux ultra-riches qu’au reste de la population;

- en quoi Bill Gates ne mérite pas sa fortune s’élevant à 66 milliards en 2012; en quoi les autres milliardaires méritent encore moins la leur; globalement, les 9,5 millions de personnes les plus riches au monde (0,14% de la population mondiale) possèdent environ le quart des actifs;

- l’individu et la société : considérations sur la justice distributive chez les grands théoriciens (libéraux) John Stuart Mill, Thomas Paine, Leonard T. Hobhouse, Jacques Turgot, John Locke et John Rawls; démythification sur le droit de propriété et le droit de l’individu préconisés par le théoricien (conservateur) Robert Nozick;

- l’absence de corrélation entre la motivation, la rémunération, le taux d’imposition et la croissance économique; les avantages accordés aux riches ne profitent qu’aux riches; le modèle néolibéral de l’Homo œconomicus est sans fondement et grotesque;

- les paradis fiscaux et la gestion du patrimoine des privilégiés; les pratiques légales et illégales de l’évasion et de l’évitement de l’impôt chez les riches; les révélations de Bradley Birkenfeld (UBS) et Heinrich Kieber (LGT); l’affaire Mulroney-Schreiber; le rôle de Michael Wilson;

- l’inégalité extrême produit des effets similaires à ceux de la pauvreté au niveau du bien-être et de la santé; les conditions liées au statut social sont déterminantes pour la santé; la limitation de la mobilité sociale dont la clé réside dans l’enseignement public;

- les milliardaires nuisent à la démocratie; le rôle de Leo Kolber, conseiller des Bronfman, auprès des autorités politiques canadiennes; l’Institut C.D. Howe, la politique monétaire et l’inflation zéro; l’Institut Fraser et le réchauffement climatique; les impacts négatifs de la philanthropie;

- les allégements fiscaux sous le président Bush (2001-2009); les groupes de pression favorables aux baisses d’impôts; le mouvement antifiscal; la théorie des choix publics; l’impôt progressif sur le revenu : origine, nature et avantages;

- l’abdication des progressistes; le dénigrement de l’impôt successoral; le rapport Carter et la réforme fiscale de 1971.

Dans leur dernier chapitre, les auteurs proposent une série d’éléments pour une réforme fiscale.

Le livre ne contient pas de bibliographie ni d’index, mais les nombreuses notes sont regroupées en fin d’ouvrage.

Par son contenu et son style, ce livre rappelle celui de Ferdinand Lundberg : Les riches et les super-riches (Paris, Stock, 1969). Ces deux études sont factuelles et percutantes. Elles illustrent la nuisance des ultra-riches.

Référence

McQuaig, Linda; Brooks, Neil. – Les milliardaires : comment les ultras-riches nuisent à l’économie. – Préface d’Alain Deneault. – Montréal : Lux, 2013. – 301p. – ISBN 978-2-89596-167-3. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 339.220971 M1732 F2013. – [Citation, p. 90].

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