15 mai 2013

Dialectique et société | Genèse

Les Éditions Liber ont entrepris la réédition en cinq volumes de Dialectique et société de Michel Freitag (1935-2009), philosophe et sociologue québécois d’origine suisse. Les deux premiers volumes, révisés par l’auteur peu de temps avant son décès, sont parus en 2011. Le troisième vient d’être publié.

L’éminent professeur de l’UQAM esquisse au début du premier volume la genèse de son opus magnum portant sur sa théorie sociologique générale. Les jalons de cette genèse sont présentés à rebours dans la présentation de la deuxième édition (2009) et la présentation de la première édition (1986), la source de ces éditions étant sa thèse de 1973, ainsi que dans l’introduction.

La présentation de la seconde édition est constituée de quatre volets.

[1] L’auteur justifie d’abord cette réédition qui couronne plus de trente ans d’enseignement de la sociologie et de publications d’écrits théoriques. L’épuisement de la première édition et l’intérêt manifesté par les étudiants québécois envers sa théorie, d’une part, et la pertinence d’une remise en question des sciences sociales contemporaines, d’autre part, valent la peine de rééditer les fondements de sa démarche.

[2] La conjoncture favorise une renaissance de la théorie générale sous une forme critique. L’histoire des sciences sociales témoigne de cette situation. L’auteur évoque des séquences contrastées : la construction des États-nations modernes avec ses concepts de société et d’idéologie; la mondialisation actuelle avec sa théorie pragmatique de la connaissance et son régime économique capitaliste; la survie anticipée de la vie collective par la suprématie du politique sur l’économique et de la pensée sur l’action.

[3] Les assises de sa théorie sociologique générale sont envisagées dans un double contexte : la crise de la postmodernité déjà perceptible en 1986, voire depuis 1945; le processus pédagogique d’élaboration de sa théorie depuis la préparation de sa thèse en 1973 et ses développements au cours de sa carrière universitaire.

[4] L’auteur explique pourquoi son livre initial Introduction à une théorie générale du symbolisme (1986) a été scindé en deux pour la réédition revue et augmentée de 2011, sous les titres La connaissance sociologique (volume 1) et Introduction à une théorie générale du symbolisme (volume 2). Il évoque ensuite sa révision des volumes suivants, mais son décès à l’âge de 74 ans mettra fin à ce projet.

Cette présentation de la deuxième édition est complétée par des remerciements, notamment envers les collaborateurs de la revue Société et les personnes ayant contribué au rayonnement de la théorie sociologique et critique.

La présentation de la première édition compte deux parties.

[1] Le but est d’abord abordé. Le projet de Didactique et société porte sur l’élaboration d’une théorie générale de la société, un genre peu développé au cours des dernières décennies. Cette vision synthétique est nécessaire face au mouvement actuel d’opérationnalisation de la connaissance. La démarche suivie s’inspire d’une critique épistémologique appuyée sur le rejet du modèle utilitariste dans les sciences sociales.

Les objets respectifs des trois premiers volumes sont ensuite présentés : « l’action humaine ou la pratique comprise dans sa dimension symbolique et significative, la société appréhendée dans ses modalités structurelles de cohésion et d’intégration, et enfin l’historicité saisie au niveau de ses dialectiques concrètes de production ». Puis celui du quatrième volume : « l’examen des problèmes méthodologiques par l’approche dialectique de la réalité sociale-historique ». Enfin, le cinquième volume aura pour objet « les mutations qui sont en cours dans les sociétés contemporaines ».

[2] L’édition de 1986 reprend pour l’essentiel la thèse de 1973 également intitulée Dialectique et société. Cette thèse a été écrite dans l’ignorance du courant philosophique de la pensée critique de l’École de Francfort alors peu connu en France. Toutefois, des notes, des précisions, des développements visant une meilleure compréhension et quelques momifications plus importantes ont été ajoutés. Par ailleurs, une nouvelle introduction a été substituée. Une critique de la « pensée de gauche » termine l’exposé.

Cette présentation de la première édition est complétée par les remerciements de l’auteur envers quatre collègues universitaires, deux doctorants uqamiens, ses parents et sa femme.

La brève introduction de Dialectique et société rappelle le contexte initial de son élaboration, soit le déclin sinon l’abandon de la théorie sociologique générale. L’auteur a voulu précisément reformuler cette théorie sur une base épistémologique solide. Sa démarche s’est déroulée au cours de ses études et de ses nombreuses années d’enseignement de l’épistémologie et de la méthodologie des sciences sociales, ainsi que des classiques de la sociologie. Au lieu de partir des problèmes débattus dans le passé, comme dans sa thèse de 1973, l’édition de 1986 porte sur la situation contemporaine, celle de la crise générale de la modernité.

Dialectique et société est le fruit de plusieurs décennies d’études, de réflexions, de cours, de discussions, d’écritures et de réécritures. Une œuvre d’une lecture difficile, au dire même de son auteur, mais combien vivifiante.

Contexte

Je me suis intéressé à Michel Freitag à la suite d’une recommandation de lecture formulée par le porte-parole étudiant Gabriel Nadeau-Dubois: Le naufrage de l’université. Plus tard, toujours sur son microblogue, le jeune militant a désigné Michel Freitag comme son penseur favori :

- Gabriel Nadeau-Dubois : Admis en philosophie à l'Université de Montréal. Enfin, une bonne nouvelle!

- Guillaume Wagner : Ton philosophe favori Gabriel?

- Gabriel Nadeau-Dubois : Les philosophes, c'est pas comme la crème glacée. Difficile de déterminer un "favori"!

- Guillaume Wagner : T'as le droit à plusieurs ;) Moi: Nietzsche, Russell et le côté délinquant de Diogène.

- Gabriel Nadeau-Dubois : Ouin. J'aurais tendance à dire Michel Freitag, mais les philosophes le traitent de sociologue et vice-versa.

(Conversation sur le microblogue de Gabriel Nadeau-Dubois, le 11 décembre 2012)

Référence

Freitag, Michel. – Dialectique et société. – Volume 1 - La connaissance sociologique. Prolégomènes épistémologiques à l’étude de la société. – Montréal : Liber, 2011. – 362p. – ISBN 978-2-89578-197-4. – BAnQ : 301 F8665d 2011 - v.1. – [L’édition scientifique de ce volume a été assumée par Manfred Bischoff].

Freitag, Michel. – Dialectique et société. – Volume 2 - Introduction à une théorie générale du symbolisme. – Montréal : Liber, 2011. – 484p. – ISBN 978-2-89578-270-4. – BAnQ : 301 F8665d 2011 - v.2. – [L’édition scientifique de ce volume a été assumée par Michel Lalonde].

Freitag, Michel. – Dialectique et société. – Volume 3 - Culture, pouvoir, contrôle. Les modes de reproduction formels de la société. – Montréal : Liber, 2013. – 491p. – ISBN 978-2-89578-390-9. – BAnQ : 301 F8665d 2011 - v.3.

À paraître :

Freitag, Michel. – Dialectique et société. – Volume 4 - Le sens de l’histoire et les dialectiques concrètes de développement des sociétés.

Freitag, Michel. – Dialectique et société. – Volume 5 - La question de la méthode dans la connaissance compréhensive.

Articles connexes

Le naufrage de l’université
Comprendre Habermas
Les jeunes d’aujourd’hui
Introduction à la sociologie générale
L’école de Francfort

Aucun commentaire: