09 avril 2016

Carte / Amérique du Nord (1755) de Palairet


Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1866-1877), par Pierre Larousse (1817-1875), contient quelques éléments biographiques sur Jean Palairet. Ce cartographe français est né à Montauban en 1697. Il a été agent des états généraux et maître de langue française à Londres. Il a publié Nouvelle méthode pour apprendre à bien lire et à bien orthographier (1727), Abrégé sur les sciences et les arts (1736), Nouvelle introduction à la géographie moderne (1745-1755), Atlas méthodique (1754) contenant 53 cartes, Description abrégée des possessions françaises et anglaises du continent septentrional de l’Amérique (1755). Dans son nouvel ouvrage sur les livres à carte, La carte avant les cartographes (2015), l’historien Nicolas Verdier précise que Jean Palairet «était le maître de langue de langue française du prince Guillaume d’Orange et de Nassau».

Jean Palairet (1697-1774) a dressé sa Carte des possessions angloises et françoises du continent de l'Amérique septentrionale (1755) à l’époque de la guerre de la Conquête en Amérique (1754-1760) et de la guerre de Sept Ans en Europe (1756-1763). Comme l’indique le cartouche de titre ornementé, cette carte illustre la rivalité franco-britannique pour l’hégémonie en Amérique du Nord.

Le cadre de la carte est constitué d’un trait épais. Il est bordé d’inscriptions relatives aux points cardinaux (Septentrion, Midi, Orient, Occident), au méridien de l’île de Fer, à une référence (Nouvelle introduction à la géographie moderne, un livre de Jean Palairet vendu à Londres, Amsterdam, Berlin et La Haye), et au méridien de Londres.

La carte est orientée vers le nord et quadrillée par les coordonnées géographiques. Les degrés des longitudes et des latitudes sont indiqués et gradués tout autour de la carte, à l’intérieur du cadre. Les longitudes mesurées depuis le méridien de l’île de Fer sont inscrites en haut de la carte. Les longitudes mesurées depuis le méridien de Londres sont inscrites en haut et en bas de la carte. Les longitudes tracées sur la carte correspondent à celles mesurées depuis le méridien de Londres. Le type ne projection de la carte n’est pas indiqué.

La légende est bilingue. Le symbole des forts encerclés en rouge correspond aux forts français ou aux forts anglais pris par les Français. Les couleurs correspondent aux colonies anglaises (jaune), françaises (vert) et aux territoires peuplés par les Amérindiens allés ou soumis aux Anglais, mais disputés par les Français (rouge). Une remarque (en anglais) précise que la ligne rouge allant du lac Ontario à la baie Verte délimite les prétentions françaises depuis le nord des établissements anglais jusqu’au fleuve Saint-Laurent. Le nom du graveur Thomas Kitchin (1718-1784) est inscrit à gauche de cette remarque.

La typographie et la toponymie reflètent les visées impériales britanniques et le point de vue anglophile du cartographe. Voyons quelques exemples. Le toponyme écrit en lettres majuscules et ayant les plus gros caractères est Canada, soit le principal territoire convoité par la Grande-Bretagne. Le toponyme Virginie est ensuite le plus en évidence. Le premier établissement anglais permanent fut fondé dans cette colonie. Les toponymes Nouvelle-Écosse et Acadie recouvrent le même territoire dont les limites sont contestées par la France et la Grande-Bretagne depuis le traité d’Utrecht de 1713.

Les masses de couleur reflètent également les prétentions britanniques. Le Canada est réduit et encerclé par les territoires anglais de la baie d’Hudson et du Labrador, les colonies anglaises allant de Terre-Neuve à la Floride, et les territoires amérindiens situés dans la péninsule ontarienne et entre les colonies anglaises continentales et le fleuve Mississippi. La Louisiane est réduite à une étroite bande de terre située à l’ouest du Mississippi. Quelques autres territoires français sont signalés: les rives septentrionales de l’île de Terre-Neuve (pour les pêcheurs seulement), les îles Anticosti, Saint-Jean et Cap-Breton.

Les tracés correspondant à des traités ou à des lois anglaises, ainsi que les remarques qui les accompagnent, fondent les ambitions de la Grande-Bretagne. Les limites des terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson sont définies par les commissaires responsables de l’application du traité d’Utrecht de 1713. Selon des chartes anglaises du début du 17e siècle, les limites des colonies anglaises se prolongent au-delà des Appalaches, jusqu’à l’océan Pacifique, recouvrant ainsi les territoires amérindiens et français de la vallée du Mississippi. Les limites occidentales et septentrionales des territoires vendus par les Iroquois à la Couronne britannique sont établies en 1701, puis renouvelées en 1726 et 1744. La frontière entre la Géorgie anglaise et la Floride espagnole est établie en 1736, au nord de la limite antérieure arrêtée au début du 17e siècle. Ainsi, les prétentions anglaises s’entrecroisent à plusieurs endroits, mais toujours dans le but de démontrer la suprématie de la Grande-Bretagne en Amérique du Nord.

Cette carte de Jean Palairet peut être comparée à celle de John Mitchell (1711-1768), A map of the British and French dominions in North America. À la page 54 de sa Description abrégée des possessions angloises et françoises du continent septentrional de l'Amérique, Palairet fait référence à cette carte de Mitchell.

Carte

1755 - Amérique du Nord - Carte des possessions angloises et françoises du continent de l'Amérique septentrionale / Jean Palairet / J. Nourse et P. Vaillant (Londres) - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Un exemplaire moins détaillé de cette carte peut être consulté dans la Collection numérique de cartes et plans (BAnQ), sous la cote G/3300/1755/P34 CAR.

Références

A map of the British and French dominions in North America, with the roads, distances, limits, and extent of the settlements, (John Mitchell, 1755) - Library of Congress.

The Mitchell Map, 1755-1782: An Irony of Empire (Matthew H. Edney, Osher Map Library and Smith Center for Cartographic Education, University of Southern Maine).

Larousse, Pierre. - Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle: français, historique, géographique, mythologique, bibliographique.... - Paris: Administration du grand Dictionnaire universel, 1866-1877. - T. 12 P-POURP / PALAIRET (Jean).

Litalien, Raymonde; Palomino, Jean-François; Vaugeois, Denis. - La mesure d’un continent: atlas historique de l’Amérique du Nord, 1492-1814. - Québec: Septentrion, 2007. - 300p. - ISBN 978-2-89448-519-4. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 911.7 L775m 2007. - [Voir en particulier deux cartes légendées par Jean-François Palomino, cartothécaire à BAnQ: Partie orientale du Canada (Georges-Louis Le Rouge, 1755), p. 170; Amérique septentrionale (John Mitchell, 1755, traduite en 1756 par Le Rouge), p. 190-191].

Description abrégée des possessions angloises et françoises du continent septentrional de l'Amérique, pour servir d'explication à la carte publiée sous ce même titre, par J. Palariet ... (Hathi Trust Digital Library, original from University of Illinois at Urbana-Champaign).

Verdier, Nicolas. - La carte avant les cartographes. L’avènement du régime cartographique en France au XVIIIe siècle. - Paris: Sorbonne, 2015. - 377p. - ISBN 978-2-85944-896-7. - BAnQ: 526.094409033 V484c 2015. - [Citation, p. 36]. - [Jean Palairet: carte, cartogramme et mise en livre, p. 36-43].

Articles connexes

Carte de l’Amérique du Nord (1755) [Jacques-Nicolas Bellin]
Carte de l'Amérique septentrionale (1755) [Jacques-Nicolas Bellin]
Carte de l’Amérique de Danet (1731) [Guillaume Danet]
Amérique du Nord (1688) de Franquelin [Jean-Baptiste Franquelin]
Ils ont cartographié l’Amérique [Recueil de cartes exposées]

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