25 juin 2016

Chroniques sanglantes de Chinoises amoureuses

Le sinologue Jacques Pimpaneau a rédigé des histoires brèves à partir d’anciennes sources chinoises. Dans son prologue intitulé Qu’elles reposent en paix!, il présente ainsi ses Chroniques sanglantes de Chinoises amoureuses:

Ces cinq récits retracent la tragédie de femmes qui vécurent en Chine il y a très longtemps. À part l’héroïne de la première chronique, qui relève du fait-divers, ces femmes appartiennent à l’Histoire. Elles y sont dépeintes comme des criminelles – et elles le firent. Elles sont de celles qui provoquèrent de véritables révolutions de palais, voire la ruine de royaumes.

Les titres attribués à ces récits sont évocateurs de leur contenu:

La courtisane amoureuse
L’impératrice cruelle et solitaire
La confession d’une mère
La vengeance de la reine barbare
Deux enfants de la balle au palais impérial


Le style littéraire des chroniques est conforme à la tradition littéraire chinoise, à l'image des Mémoires historiques de Sima Quian (2e siècle avant J.-C.). La première peut être considérée comme une nouvelle littéraire et policière, tandis que les autres correspondent à des récits historiques.

Les protagonistes ont la sympathie de Jacques Pimpaneau, comme celui-ci l’indique dans son prologue : Plutôt que de les juger (avouez qu’il y a prescription!), le lecteur conclura, je l’espère, comme moi: foin de l’enfer, qu’elles reposent en paix!

Référence

Pimpaneau, Jacques. - Chroniques sanglantes de Chinoises amoureuses. - Paris: espaces & signes, 2015. - 108p. - ISBN 978-2-9535965-7-1. - [Citations, p.11 et 12]. - BAnQ: 398.20951 P644c 2015.

Sur la Toile

Présentation de Chroniques sanglantes de Chinoises amoureuses (espaces & signes)

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19 juin 2016

Le Brésil hollandais (1624-1654)


La carte de Henricus Hondius de 1635 détaille très minutieusement les territoires conquis par les Hollandais sur les armées espagnoles et portugaises. Un exemplaire en est dédicacé au cardinal de Richelieu, avec des cartouches en français; la France en guerre contre les Habsbourg étant devenue, ipso facto, l’alliée des Provinces Unies. Une fois de plus, la cartographie sert la diplomatie. (Martine Droulers)

Le document cartographique est constitué de quatre feuilles juxtaposées. Il contient plusieurs éléments cartographiques, dont un cartouche de titre, une carte, une rose des vents, une échelle, des légendes, des commentaires, des cartons, des illustrations et un double cadre. Décrivons succinctement ces éléments et d’autres particularités de cette carte hollandaise.

Le cartouche de titre contient deux parties adjacentes, celle de droite étant une carte régionale. La partie de gauche est subdivisée en deux sections. La section supérieure indique le nom et les titres du dédicataire, le sujet de l’espace cartographié et le nom de l’auteur du document. La section inférieure a trait à l’édition: le lieu, le nom de l’imprimeur, l’indication de ses privilèges et la date de publication de la carte. Le cartouche est ornementé de figurines reflétant l’abondance et la grâce.

La rose des vents indique que le haut de la carte correspond à l’ouest. L’échelle graphique de la carte est en vieille mesure allemande.

La carte représente trois capitaineries brésiliennes conquises par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales: Pernambuco (Pernambouc), Tamaraca (Itamaraca) et Pariba (Paraiba). Plusieurs indications ont trait à la navigation: la profondeur des fonds marins exprimée en brasse, la présence de récifs et de zones sablonneuses, le contour des îles et les embouchures des cours d’eau. D’autres indications sont de nature militaire (forts, redoutes) ou commerciale (ports). La ville de Pariba et la région de Pernambuco sont légendées.

Le document contient plusieurs cartons: l’île de Taramaca et ses envions (carton intégré au cartouche de titre), le port de San Francisco, l’embouchure du Rio Grande, la ville fortifiée de Pariba et ses environs, la carte générale du Brésil hollandais (contenant deux cartons).

Trois cartons contiennent une rose des vents simplifiée. Le carton de Pariba contient deux cartouches de titre, un en néerlandais et l’autre en français, une échelle graphique, une légende des lieux, le nom de son auteur et la date. Le carton portant sur le Brésil hollandais est le plus complet quant au territoire conquis aux dépens de l’Empire portugais d’Amérique. Il contient un cartouche de titre, une rose des vents, deux échelles graphiques et deux cartons (baie de Tous les Saints et région de Pernambouc).

La typographie (polices et tailles des caractères) est utilisée pour hiérarchiser les différents toponymes inscrits sur la carte et dans les cartons. Le document contient plusieurs inscriptions en français, notamment dans les cartouches, légendes et commentaires.

Les illustrations sont nombreuses: plans urbains, forts, habitations, ruines, embarcations, défilé militaire, danse, etc. Certaines sont plutôt fantaisistes, par exemple la galère et les poissons. Plusieurs cartons sont figurés sur des peaux suspendues à des tréteaux de branches d’arbre, tandis que la carte principale est encadrée par une double ligne continue.

Les éléments de la carte présentent donc des perspectives diversifiées sur le Brésil hollandais, notamment sur les espaces géographiques reproduits à différentes échelles: l’ensemble des colonies hollandaises à petite échelle (carton du coin inférieur gauche), le cœur des colonies hollandaises (carte principale à moyenne échelle) et plusieurs régions particulières (cartons à grande échelle). Le tout sur fond de rivalités militaires pour contrôler le commerce du sucre.

Référence

Droulers, Martine. - Brésil: une géohistoire. - Paris: PUF, 2001. - 307p. - (Géographies). - ISBN 978-2-13-051439-1. [Citation, p. 61]. - [Le temps des Flamands-Pernambouc, p. 56-61]. - BAnQ: 911.81 D788b 2001.

Cette étude de Martine Droulers est indiquée pour connaître la géohistoire du Brésil et approfondir le contexte de la colonisation hollandaise.

Cartes

1635 - Brésil - (Carte dédicacée à Richelieu) - A tres illustre et très Reverend Seigneur... Monseigneur Armand Du Plessis, Cardinal de Richelieu, ... est dédiée et consacrée ceste nouvelle carte et succinte description du Brésil et de tous les lieux conquis par la compagnie des Indes occidentales / par Guillaume Hondius ; Wilhelmus Hondius sculpsit (La Haye). - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

1635 - Brésil - (Carte non dédicacée) - [Nova totius Brasiliae et locorum a Societate Indiae Occidentalis captorum descriptio] / Wilhelmus Hondius Hagiensis Schulpsit. - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

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Géohistoire du Brésil
La force des représentations géographiques

11 juin 2016

La force des représentations géographiques

Cent cinquante ans avant l’Angleterre, le Portugal fait le choix géographique de la mer et pratique une expansion en réseau constitué de forts, de comptoirs et de ports. À l’instar des Grecs, un tel système de réticulation géographique les conduira à monter un véritable empire thalassocratique sur les bords des océans Atlantique et Indien, ainsi qu’à s’approprier une bonne partie du Nouveau Monde.

Au point de départ, l’Empire portugais est dû à Henri le Navigateur (1394-1460). Il fait construire une flotte de caravelles à Lagos, ouvre une école de navigateurs à Sagres, et fonde sa politique coloniale sur quatre piliers: le comptoir, la donation de terres, le monopole et le secret. Ce plan méthodique est expliqué avec brio par Martine Droulers dans son livre sur la géohistoire du Brésil. L’œuvre d’Henri le Navigateur est poursuivie par ses successeurs, Jean II (1455-1495) et Manuel Ier (1469-1521).

Le Brésil

Si l’Empire portugais se développe systématiquement le long des côtes africaines et asiatiques, c’est par hasard qu’il s’étend au Nouveau Monde. En effet, d’une façon fortuite, en 1500, le navigateur Pedro Alvarez Cabral (1467-1520) accoste sur une terre inconnue dont il prend possession au nom du Portugal en la dénommant Vera Cruz. Quelques années plus tard, le cartographe portugais Lopo Homem dresse une carte magnifique du Brésil selon une configuration qui perdurera jusqu’à nos jours:


Un survol de cette carte portulan permet de noter certaines données significatives: la domination maritime du Portugal dans l’Atlantique Sud (navires, pavillons et drapeaux du Portugal), les toponymes (seulement) sur les côtes du Brésil, le remplissage de l’intérieur (inconnu) du continent par des scènes amérindiennes et des animaux tropicaux, la démarcation occidentale correspondant à une ligne verticale (imaginaire) allant de l’embouchure du fleuve Amazone à l’embouchure du Rio de la Plata. Le document reflète manifestement les ambitions et projections impériales du Portugal. Sous les signes de la croix et du cercle, Martine Droulers explique les avancées territoriales du Portugal en terre américaine.

La croix et le cercle

À l’instigation de l’Espagne, le pape d’origine espagnole Alexandre VI (1431-1503) partage le monde entre les empires espagnol et portugais en 1493, soir un an après les premières explorations de Christophe Colomb (1451-1506) dans le Nouveau Monde. Un an plus tard, d’un commun accord, les deux royaumes ibériques signent le traité de Tordesillas démarquant plus à l’ouest la zone atlantique réservée au Portugal. Après la découverte de Cabral en sol américain, le partage se trouve en quelque sorte sacralisé sur le territoire brésilien. Une croix (virtuelle) apparaît à la convergence des coordonnées de l’Équateur et du méridien arrêté par le traité de Tordesillas. À titre d’exemple, cette croix figure clairement sur la carte de 1573 dressée par le cartographe portugais Domingos Teixeira:


Un survol de cette carte portulan permet d’observer le partage du monde entre les puissances ibériques (blasons différents de part et d’autre du méridien Tordesillas, celui-ci étant tracé au milieu et reproduit aux extrémités du document). La délimitation occidentale du Brésil est à l’avantage du Portugal: les deux rives du Rio de la Plata sont portugaises et le fleuve se prolonge presque jusqu’à l’embouchure de l’Amazone en traversant un immense lac (imaginaire) non identifié.

Afin de pousser plus loin vers l’ouest leur possession brésilienne, les Portugais vont recourir à une nouvelle figure géométrique tout aussi emblématique que celle de la croix. Il s’agit du cercle symbolisant l’«île Brésil». La carte de Lopo Homem de 1519, contenue dans l’Atlas Miller, préfigure les représentations ultérieures de l’insularité du Brésil. L’évolution dans la représentation cartographique de l’«île Brésil» est démontrée par Martine Droulers par les figurations des cartes de Lopo Homem (1554), Bartolomeo Velho (1561), Bartolomeo Lasso (1589) / Petrus Plancius (1592-1594), Luis Teixeira (1600) et Johannes Blaeu (1639). La carte de Dominguos Sanches de 1618 illustre aussi très bien cette conception circulaire du Brésil:


Sur cette carte, l’immense lac situé au bout du Rio de la Plata est identifié. Il s’agit du Laguo Eupana, dénommé autrement sur d’autres cartes: Xaraes, Lagoa de Ouro, Laguna Encatada ou Paraupaba. Ce lac imaginaire n’est pas sans rappeler le légendaire lac (ou mer) de l’Ouest cartographié sur des cartes de l’Amérique du Nord.

Au terme de cette exploration, retenons la conclusion de Martine Droulers: «Des centaines de cartes comportant ce type de représentation insulaire ont été répertoriées. Elles soulignent l’influence de la cartographie et la force de représentation que les Portugais mettent au service de leurs intérêts politiques et commerciaux pour légitimer leur expansionnisme. Une forme idéale, en somme, pour faire apparaître l’unité géographique et humaine du Brésil, même si ses contours restent encore largement flous.»

Référence

Droulers, Martine. - Brésil: une géohistoire. - Paris: PUF, 2001. - 307p. - (Géographies). - ISBN 978-2-13-051439-1. - BAnQ: 911.81 D788b 2001. - [Citations, p. 15 et 28]. - [La force des représentations géographiques, p. 24-28].

Cartes

1519 - Brésil - [Atlas nautique du Monde, dit atlas Miller]; 2-5. [Atlas Miller: feuilles 2 à 5 ] / [Feuille 5 r°: Océan Atlantique Sud-Ouest avec le Brésil] / Lopo Homem, cartographe présumé / Carte portulan - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

1573 - Monde - [Planisphère] / Domingos Teixeira. - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

1618 - Monde - [Carte nautique de l'Océan Atlantique, de la Méditerranée et d'une partie de l'Océan Pacifique] / Dominguos Sanches a fes em Lisboa anno 1618 / Carte portulan. - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

Sur la Toile

L’île Brésil (La force d’un mythe cartographique) (Enali de Biaggi et Martine Droulers, Mappemonde, 2003)

Article connexe

Géohistoire du Brésil (Martine Droulers)

03 juin 2016

Géohistoire du Brésil

L’originalité de la formation spatio-temporelle de l’Amérique portugaise réside dans la précocité et l’immuabilité du cadre territorial qui constitue aujourd’hui le Brésil. En effet, le Brésil avait un nom et des contours avant même d’être un pays et bien avant que la nation brésilienne n’existât.


L’essai de Martine Droulers, chercheuse au CNRS et professeure à l’Université de Paris, se situe dans le temps long. Il s’appuie sur des sources accumulées au cours des vingt dernières années. Il s’inscrit dans le courant de la géographie historique selon trois approches géographiques: la géographie rétrospective (et la géographie culturelle), la géohistoire systémique et la géopolitique.

Outre l’introduction, l’ouvrage compte six chapitres, une conclusion, une bibliographie et trois index (thèmes, personnes et institutions, lieux), deux listes (45 cartes, 13 tableaux) et une table des matières détaillée.

Afin de bien saisir la démarche originale et méthodique de l’auteure, le lecteur peut aborder l’ouvrage en suivant ces étapes:

- la lecture de l’introduction et de la conclusion;

- la consultation du tableau récapitulatif (chronothématique), des autres tableaux et des cartes;

- la lecture des chapitres.

Le contenu documentaire du livre est très riche, notamment en ce qui concerne la production cartographique tout au long de l’histoire du Brésil. Les personnages principaux et les événements déterminants sont bien mis en relief. L’historiographie de chaque époque de l’histoire brésilienne constitue l’armature de l’exposé. Les références bibliographiques sont abondantes et généralement annotées.

La mise en page est didactique: introduction précédant chaque chapitre, thèmes hiérarchisés par leur numérotation et la typographie, diversité et clarté des cartes et tableaux, insertions de statistiques significatives, noms des personnalités marquantes mis en caractères gras, etc.

Cette étude permet de mieux comprendre les traits fondamentaux du Brésil, un pays-continent à la fois intrigant et captivant, tant pour sa géographie que pour son histoire. Par ailleurs, les comparaisons entre la géohistoire du Brésil et celles de l’Amérique espagnole et de l’Amérique anglo-saxonne sont remarquables.

Un ouvrage de référence!

Référence

Droulers, Martine. - Brésil: une géohistoire. - Paris: PUF, 2001. - 307p. - (Géographies). - ISBN 978-2-13-051439-1. - BAnQ: 911.81 D788b 2001. - [Citation, p. 15].

Carte

1857 - Empire du Brésil - Nova carta corographica do Imperio do Brazil / confeccionada... pelo Coronel Engenheiro Conrado Jacob de Niemeyer e seus ajudantes... Jose Joaquim de Lima e Silva... Antonio Augusto Monteiro de Barros / Éditeur: Eduardo Rensburg lith. (Rio de Janeiro) | Tableaux statistiques et carton (plan légendé de Rio de Janeiro) - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France (BnF)

Sur la Toile

Martine Droulers (Site professionnel de l’auteure)
Le Brésil, entretien avec Martine Droulers (Vidéo, 6:09 min)
Martine Droulers (Enregistrements radiophoniques, France Culture)

Brasil (INGE / Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística) (Gouvernement fédéral des États-Unis du Brésil) (Carte de 2004 en haute définition au format pdf)

La France au Brésil (BnB / BnF)